L’acquisition par Jojo la Poisse de son Acadiane baptisée « l’akas-tête » et les modifications opérées ont été prétexte à brosser le portrait de notre sympathique adhérent (lire rubrique coup de coeur: Jojo la Poisse, heureux veinard) et une occasion idéale pour aller au volant de notre Charleston à la rencontre d’un authentique artisan réputé, Geoffrey, bien connu des deuchistes  autant pour la qualité de ses travaux que pour sa légendaire gentillesse.

Ses parents ne sont pas du métier bien qu’amateurs de véhicules anciens mais Geoffrey Trasserra s’est très tôt passionné pour le monde de la restauration automobile en trouvant  sa vocation dans le métier de carrossier qu’il exerce en artisan pour ne pas dire en artiste !

Originaire de Sens (89) entré en apprentissage à 16 ans pour obtenir un CAP de peintre en carrosserie il est en avance et s’ennuie, sa maturité aidant il enchaîne avec un second CAP de carrossier, en parallèle sa curiosité et son ingéniosité innées le portent plus au démontage et au remontage de tout objet métallique roulant qu’à la console de jeu car c’est un bricoleur né qui développe également des qualités de transmission et de communication.

Ses diplômes l’ont doté des fondamentaux et des techniques de son métier mais Geoffrey se définit lui-même comme un autodidacte curieux, intuitif et passionné qui s’épanouit  dans la pratique, il prenait plaisir dès 11 ans-ce n’est pas courant- à bricoler une 4CV de son père, un « jouet » qu’il s’était en quelque sorte approprié puis ado il met son savoir-faire en aéographie au service du  « tuning », se fait la main sur l’Opel Manta A offerte par son frère, et sa 1ère restauration aboutie fut  celle d’une Fiat 126 d’un copain à l’âge de 19 ans : un défi, partir de zéro et sans rien lâcher dans la difficulté tout reconstruire de ses mains, c’est sa devise, il possède donc déjà plus de 16 années d’expériences qui représentent  plusieurs centaines de chantiers menés dont pas loin de 100 2cv.

« Copain », « Amitié », « Groupe », « fidélité » : Ces mots ont de la valeur auprès de Geoffrey comme auprès de Jojo et pendant notre échange nous comprenons que malgré les contraintes incontournables de rentabilité de son entreprise « l’Atelier Trasserra » il privilégiera toujours en 1er le projet original d’un autre ami passionné lui permettant de se challenger avant la commande de restauration disons classique d’un client anonyme même plus rentable pour lui.

L’amitié, la fidélité et le plaisir procuré par les longs week-ends de mécanique entre potes sont le fil conducteur de sa vie avec en filigrane le respect de la parole donnée : Autant de points communs avec Jojo!

Devenus amis sur les innombrables concentrations et rassemblements ils partagent les mêmes valeurs : C’est Geoffrey qui a refait la carrosserie endommagée de la 2cv6 « Emilie 3 » en 2017 après le choc contre un sanglier désormais célèbre, avec la contribution solidaire des bénévoles du club et échangent au sein du célèbre réseau des Fadas de Ludovic Chesneau (Cali Lavoc) !

Des journées plus que remplies ne suffisant pas à son bonheur, il occupe actuellement ses soirées jusqu’à pas d’heures à refaire entièrement sa 2CV AZAM de 1966 du « châssis » à la « capote » qui de couleur rose est passée à un resplendissant jaune bouton d’or, dotée d’une motorisation « légèrement » améliorée,  nous rencontrons Geoffrey le jeudi 10/07 qui nous présente le véhicule en plein remontage, elle  passe au contrôle technique le 22/07 et les conduira sa compagne et lui à la mondiale en Slovénie, pas une minute à perdre mais soyons certains que le timing sera respecté.

Plus tard il transformera son U23 en véhicule moderne de dépannage…

le U23 qui deviendra le véhicule plateau de l’Atelier

Geoffrey ne se limite pas aux seules voitures et confie que si sa  madeleine de Proust c’est de « repeindre et styliser les frigos anciens  » il ne néglige aucune occasion : 2 roues, avion, bateau afin d’exercer son ingéniosité et sa créativité que ce soit en ancien ou en plus récent !!!

Il faut toutefois vivre,  pendant 7 ans Geoffrey est salarié à Sens avant de se lancer dans un tout petit box et si l’entreprise a connu d’inévitables vicissitudes et des difficultés à surmonter,  elle est passée par Villeneuve sur Yonne, Bellac, et Availles-Limouzine avant de se fixer dans ce coin du Poitou dans ce joli bâtiment de 1915.

       

l’heure que nous consacre Geoffrey s’avèrera également captivante pour la compréhension économique du monde de la carrosserie et de l’artisanat, et mieux appréhender les choix et arbitrages à opérer pour pérenniser l’activité car bien souvent un client lambda ne mesure pas le temps consacré par exemple à la réfection d’une 2CV.

l’acceptation et la compréhension d’un prix peuvent s’avérer complexe si on ne prend en compte ne serait-ce que les heures de ponçage manuel (jusqu’à cinq passages)  et enfin  ne serait t-il pas logique que le talent et la qualité soient rémunérées à leur juste mérite car les journées ne sont pas extensibles et si Geoffrey assume le choix d’un métier « passion » un indépendant doit prévoir l’avenir ou anticiper sur un pépin de santé.

Actif depuis longtemps sur les réseaux sociaux (entre autre FB) ou pédagogue il explique  ses réalisations, et présent sur les rassemblements avec sa compagne Solène, soit avec leur AK400 « Gilberte » soit en HY, leur camping-car, et bientôt avec Pinkie leur 2CV AZAM 1969 rose devenue jaune bouton d’or AC316 ( jamais utilisé pour une 2CV par Citroên) – pour l’avoir vue elle est magnifique- l’atelier s’est forgé une notoriété méritée et recrute essentiellement sa clientèle par le bouche à oreilles aussi certains projets peuvent parfois attendre jusqu’à deux années sauf !!!

Sauf ???

Vous l’aurez compris le tout est de séduire Geoffrey, de le titiller avec un projet qui le sort de sa routine, de lui lancer  un défi et de lui donner la carte blanche qui  vont lui permettre de d’exprimer toute sa créativité et de perfectionner  sa technique : malin l’ami Jojo avec son projet « d’Acadiane-Acadeuche-Akas-tête » qui lui a permis de virer en tête sur le calendrier de Geoffrey, comme on se comprend entre fadas !!!

Faits du  même métal: fidèles en amitié, baroudeurs, bourlingueurs jusqu’à pas d’heures, inventeurs, avaleurs de kilomètres sur la planète, pas exigeants en matière de Pullman, plus les projets sont fous plus ils sont heureux et sans Perrier qui plus est !

Mais enfin pourquoi vouloir s’échiner à modifier une Acadiane ? elle si bien nature cette voiture.

Geoffrey explique: l’Acadiane financièrement plus abordable qu’une AK400  offre un volume  plus pratique à aménager tel que celui réalisé par Jojo, menuisier de métier,  par lui-même avec une couchette pour deux, une table de cuisson, une réserve d’eau, et même un seau d’aisance donc l’Acadiane au naturel c’ est mieux pour voyager.

Des motivations esthétiques peuvent se comprendre à conditions d’accepter les ruptures de style entre l’avant de la 2CV et l’arrière de l’Acadiane avec en prime le plaisir de rouler dans une voiture pas comme les autres ! le plaisir de rouler dans une voiture « décalée »…

 

Cela devient passionnant quand Geoffrey nous (re)plonge dans l’ ADN Citroên : ses concepteurs voulaient qu’une 2CV puisse être dépannée sur le bord de la route et reflète l’ingéniosité de ses ingénieurs or avec l’Acadiane c’est moins facile pour accéder au moteur alors que sur la 2CV quatre boulons (idem écrou de roue en 19) par aile suffisent et trois pour chaque joue d’aile (clé de 8)  pour avoir accès à l’hélice et à l’allumage et la barre de phares est indépendante de même pour les parties entre le capot et les ailes. Effectivement l’accès à un moteur de 2CV semble plus simple que sur l’Acadiane…

Geoffrey s’est passionné pour cette opération  et grâce à la carte blanche donnée par Jojo il va donner libre cours à sa créativité dont on retiendra plusieurs particularités:

         

Evidemment l’adaptation classique avec la barre de phares de la 2CV et le capot coulissant  pour permettre le dépannage rapide et facile au bord de la route, avec la particularité d’un découpage amovible sur les joues d’ailes, et un travail sur le style : si vu de face le capot est celui de la 2CV, vu de côtés c’est bien l’acadiane qu’on retrouve car Geoffrey aura effectué un minutieux et patient travail de découpage de métal et d’adaptation pour que les lignes de l’acadiane soient identiques de la caisse au capot.

Geoffrey conseillera à Jojo  de conserver la couleur bicolore d’origine effectivement très jolie, et ajoutera un joli blason sur la face avant figurant le rappel d’un capot 23 nervures , pas moins de 76h pour ces modifications ( ce n’est pas une restauration !)  ponçages et peinture incluses pour cette prouesse qui font de « l’Aka- tête » un véhicule unique.

 

Un grand merci à toi Geoffrey pour ta disponibilité et tes précieuses explications !

Jean-Charles Ferrand (juillet 2025)