Les 2CV de Sologne sur « le chemin de mémoire »
Le regard de Danielle Lorion :
Le 12 octobre, les adhérents des 2CV de Sologne avaient rendez-vous dès 9h place du Val Fleuri à Montrichard avec trois conférenciers de l’Association des Amis du Vieux Montrichard.
Sous un ciel pluvieux, autour d’un café – croissants, près de la stèle du passeur Jean Sentout dit « le sabot » et du panneau où figurent Henriette et Georges Fermé, passeurs et grands résistants, parents de Monique présidente de l’association, Thérèse Gallo -Villa nous a rappelé ce qu’était la ligne de démarcation le long du cher et l’histoire de ses passeurs durant la seconde guerre mondiale.
Puis les 2CV ont pris le chemin de halage du Cher à la découverte de quelques-uns des 19 panneaux répartis de Chissay en Touraine à Seigy aux endroits stratégiques obligatoires où les passeurs locaux ont permis à des milliers de réfugiés, juifs, prisonniers de guerre ou évadés de traverser la ligne vers la zone dite « libre » très souvent de nuit. A chaque panneau, les conférenciers nous rapportaient témoignages et anecdotes.
Le soleil nous a rejoints. Après le déjeuner au restaurant Le Poulpe à Saint-Aignan, direction la base nautique de Seigy qui servait de halte à l’abri du regard des gardes situés sur le pont de Saint-Aignan et commenté par Philippe Gauthier,
16h, il est temps de se séparer. Ce fut une journée remplie d’émotion et de reconnaissance et très conviviale. Un grand merci à nos conférenciers ainsi qu’à Bernadette Desgranges qui les accompagnait pour cette journée de mémoire.
Merci également à Patrice et Jean-Charles qui ont réussi à mobiliser 50 adhérents autour de ce thème. C’est une première ! Bravo !
Danielle Lorion
« Le chemin de mémoire » un partenariat entre associations qui sort de l’ordinaire …
L’association des » Amis du Vieux Montrichard » présidée par Mme Monique Fermé, elle-même fille de passeurs et résistants perpétue le souvenir de la ligne de démarcation.
Ses recherches ont abouti à une exposition itinérante dans les communes des bords du Cher conjuguée à des conférences données par Thérèse Gallo – Villa, et à l’installation de 19 panneaux mémoriels le long du Cher entre Chissay-en-Touraine et Saint Aignan
De la rencontre entre Patrice Fréal et moi-même avec Bernadette Desgranges, Thérèse Gallo -Villa et Philippe Gautier est née l’idée d’une sortie des 2CV de Sologne sur le chemin de mémoire commentée par les Amis du Vieux Montrichard.
Samedi 12 octobre 2024 à 9h sous le crachin une vingtaine de 2CV ou dérivés et leurs 52 passagers se réunissaient au bord du Cher en crue à l’écluse de Montrichard devant la stèle du passeur Jean Sentout dit Sabot car toujours vêtu de son bleu et chaussé de ses éternels sabots, réputé avoir fait passer 5000 personnes.
Peu s’en souviennent et désormais les plus jeunes l’ignorent, la ligne de démarcation, longue de 1200 kms, a traversé le sud du département à partir du 25 juin 1940 séparant les rives du Cher entre zone occupée au Nord et zone libre au Sud, créant ainsi une véritable frontière intérieure.
Thérèse Gallo – Villa retraçait le contexte de la capitulation de juin 1940, nous comprenons l’importance stratégique de la région au croisement des axes vers les grandes villes, pour l’ennemi il est important de verrouiller ce noeud ferroviaire et routier, puis nos 2CV multicolores rejoignaient le chemin de halage en convoi sous les regards souriants et bienveillants des passants
Nous marquons des arrêts devant plusieurs des panneaux pour écouter Thérèse et Philippe nous faire revivre les astuces et secrets des passeurs en faisant prendre conscience des risques encourus pour que des milliers de personnes conservent la liberté, souvent la vie.
L’association « Les amis du Vieux Montrichard » fait connaître, pérennise et honore la singulière épopée des passeurs occasionnels au départ puis de plus en plus professionnalisés qui ont organisé les passages en zone libre des juifs, militaires en déroute, réfractaires, prisonniers en fuite, civils, résistants fuyant l’occupant et ses persécutions
Ils furent en quelque sorte les premiers résistants bien que leur action soit longtemps restée ignorée et restée dans l’ombre.
Une chaîne locale de solidarité désintéressée impliquant la majorité de la population locale fournissait le gîte et le couvert, des vêtements civils, de vrais faux papiers dans l’attente angoissée du signal connu des seuls passeurs qui en quelques minutes faisaient traverser le Cher au nez et à la barbe des patrouilles allemandes.
Leur connaissance aiguisée du relief, des gués, des méandres et recoins, des particularités telles que moulins, ponts écluses, des moindres cachettes ont permis toutes les audaces et en même temps le moindre risque pris était rigoureusement calculé, organisé, y compris les jours de pleine lune.
D’une rive à l’autre les passeurs, de tout milieu social, politique, religieux travaillaient en binôme avec une confiance et une abnégation absolues, surtout de nuit mais parfois de jour en profitant des moyens procurés par leurs activités professionnelles, jouant de leurs réseaux personnels et familiaux et usant des subterfuges les plus saugrenus, par exemple le curé de Thésée complice, qui parlant allemand invitait la patrouille à boire chez lui pendant les passages !
L’arrêt à Bourré entre la voie ferrée et le Cher s’avère encore plus saisissant: Thérèse évoque avec force de détails l’épisode dramatique de la rafle devant l’église:
Sur trahison le marchand de bestiaux Louis Serin, le boucher Robert Firmin, la convoyeuse Marcelle Laurillou, le garde-barrière Louis Sirot sont pris par la Gestapo avec la famille Levy gazée dés son arrivée à Auschwitz: la maman Violette 31 ans et son fils Jean 7 ans -plus la résistance progresse plus la répression s’aggrave- Louis Serin et Marcelle Laurillou perdront la vie en déportation, Robert Firmin et Louis Sirot en reviendront très diminués.
Sur place se trouve également la stèle consacrée au passeur Emile Mandar, un des passeurs parmi les plus connus, éclusier il aura fait passer jusqu’à 1000 personnes, il échappera à tous les contrôles et au harcèlement des allemands.
Les questions documentées et pointues posées par les participants attentifs et souvent émus nourrissent des échanges passionnés qui se prolongent dans une ambiance détendue à St Aignan au restaurant « Le Poulpe » avant une dernière intervention devant le panneau de Seigy qui clôture une agréable et riche journée dans ce format original.
On recommandera aux plus curieux de parcourir à la belle saison les panneaux du chemin de mémoire et de les faire connaître d’autant que les vues sur le Cher sont magnifiques et les aires de pique-niques nombreuses, à savoir qu’un Véloroute sur 50 kms de pistes est également ouvert…
Ce minutieux et patient travail de collecte de témoignages et de matériel est présenté dans un film réalisé par Philippe Gautier: « d’une rive à l’autre » sur le site THARVA.FR, d’autant plus précieux que les derniers témoins disparaissent, le site regorge d’informations pour approfondir ce sujet ( lien de connexion plus bas).
Ce concept de partenariat entre associations sort certes de l’ordinaire, c’est aussi cela « l’art de vivre » : savoir s’ouvrir, il a satisfait les participants au vu des nombreux retours ce qui suscite l’envie de le reproduire prochainement avec d’autres sujets .
Remerciements chaleureux à Bernadette Desgranges, Thérèse Gallo -Villa et Philippe Gauthier pour leur grande disponibilité, leur gentillesse et leur érudition, à l’équipe du Poulpe pour son accueil, ainsi qu’à Danielle Lorion qui pris pris le temps de nous transmettre son témoignage.
Jean-Charles Ferrand
Pour en lire plus: